RETOURS D’EXPÉRIENCE | Une étude Sensibio auprès des agriculteurs conventionnels des Bassins d’Alimentation de Captage gérés par l’Agglomération d’Evreux Portes de Normandie (EPN)

Crédit photo : © F. Duval

Depuis janvier 2022, Bio en Normandie a conduit une étude Sensibio sur le territoire des deux Bassins d’Alimentation de Captage (BAC) prioritaires Queue d’Hirondelle et Chenappeville, gérés par l’Agglomération d’Evreux Portes de Normandie (EPN).

Cette étude a été commandée par l’Agglomération dans le cadre de sa stratégie de protection de la ressource en eau visant notamment un objectif de SAU Bio de 10% d’ici 2030 sur les BAC (actuellement, la SAU bio s’y élève à 0.4% sur le BAC de la Queue d’Hirondelle et à 3% sur le BAC de Chenappeville). Elle porte sur l’analyse d’enquêtes réalisées de février à mars 2022 auprès de 38 agriculteurs en système conventionnel – en grandes cultures et systèmes mixtes – sur les deux BAC précités. 

Issue d’une méthodologie développée par Bio en Hauts de France et déployée dans différentes régions au sein du réseau de la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique, c’est la deuxième étude Sensibio menée par Bio en Normandie (une autre étude a été réalisée en 2021 sur trois BAC de La Communauté Urbaine de Le Havre Seine Métropole). La méthode permet de réaliser un diagnostic de territoire fondé sur les profils des exploitants enquêtés (panel d’étude) et d’évaluer la propension des agriculteurs conventionnels à évoluer vers un système biologique. Sa spécificité est qu’elle repose sur l’analyse de déterminants socio-psychologiques, en couplant deux typologies de profils : une première relative aux caractéristiques personnelles et le rapport au métier des agriculteurs, et une seconde relative à la dynamique de changement et leur rapport à l’Agriculture Biologique (AB). Grâce à ces profils ainsi qu’aux freins et leviers identifiés par les agriculteurs, l’étude permet d’accompagner les collectivités dans l’adaptation de plans d’actions susceptibles de favoriser le changement de pratiques ou de système souhaitable sur le territoire.

Il est ressorti de l’analyse des enquêtes sur le territoire d’EPN :

  • S’agissant de la première typologie de profils d’agriculteurs : une prédominance du profil prudent, qui recherche la sécurité plutôt que le changement et se sente rassuré par les conseils des prescripteurs classiques. Une minorité remarquable d’agriculteurs enquêtés relèvent du profil innovateur, lesquels ont un fort intérêt pour les techniques agronomiques et l’innovation en général. 
  • S’agissant de la deuxième typologie : les deux profils en tête renvoient à des agriculteurs qui reconnaissent un intérêt à l’AB mais l’associent à un modèle d’exception/atypique ou n’y voient que les contraintes, se revendiquant de l’agriculture raisonnée (majorité des agriculteurs). 

Les agriculteurs du panel sont la plupart accompagnés par des structures agricoles d’accompagnement ou économiques (collecteurs) et ont exprimé les efforts de la profession ces dernières années, reconnaissant majoritairement un certain impact des pratiques agricoles sur l’eau. Toutefois, on constate que l’environnement d’une part, souvent associé à des réglementations excessives, et l’AB d’autre part, suscitent une résistance pour la majorité. Dans ce contexte, teinté également par la réalité sociologique de l’âge des agriculteurs du panel (les deux tiers des agriculteurs du panel a plus de 50 ans), l’objectif d’une évolution de pratiques respectueuses de la ressource en eau est apparu le plus adapté, via notamment le développement de filières alimentaires ou énergétiques locales. 

C’est ce qui a été présenté lors de la restitution de ces résultats auprès des agriculteurs des deux BAC en début de l’été. Les participants – élus, acteurs agricoles, dont quelques agriculteurs du panel – ont alors pu échanger sur les pistes d’actions possibles pour concilier les réalités agricoles aux enjeux de la collectivité en matière de protection de la ressource en eau et d’adaptation au changement climatique. À cet égard, l’étude constitue bien une base au dialogue en vue de l’élaboration conjointe des actions de transition agricole du territoire. 

Témoignage de M. Alory, 13ème VP Grand Cycle de l’eau, Biodiversité, BAC, Espaces verts à l’Agglomération d’EPN : 

« La démarche SensiBio est très intéressante et positive malgré le manque d’intérêt des agriculteurs pour l’instant. Au sein d’EPN, nous savons que ce que l’on propose au monde agricole pour protéger l’eau et faire face au défi climatique est bénéfique, et on va continuer en ce sens. Il faut qu’on aille chercher les agriculteurs, trouver un moyen de les impliquer, et surtout les jeunes, car ce sont eux qui seront là dans 20 ans lorsque l’accès à une eau potable de qualité sera encore plus difficile. Nous l’avons vu cet été, la question de l’eau est primordiale, il faut faire extrêmement attention à notre ressource, et adapter l’agriculture, les cultures de l’Eure et de la Normandie au futur climat. En cela, la bio peut y contribuer. […] la collectivité est là, prête à aider, accompagner pour relever ce défi de la transition agricole. »

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