Le Dossier : le rôle des collectivités et les changements de consommation pendant la crise sanitaire | rapport relate les initiatives prises par les collectivités locales pendant le confinement pour soutenir l’agriculture locale

La crise sanitaire a entraîné un bouleversement des modes de commercialisation des produits alimentaires. En effet, les fermetures des cantines, des restaurants et de nombreux marchés ont engendré un arrêt de la consommation hors foyer et, logiquement, une explosion de la consommation au sein des foyers.
Malgré de nombreuses craintes, le système alimentaire français a tenu, même si les filières ont été impactées de manière hétérogène. Ce résultat s’explique par la mobilisation de l’ensemble des acteurs intervenant directement dans les filières (producteurs, transformateurs, transporteurs, distributeurs, consommateurs) mais également indirectement. Ainsi, certaines collectivités, garantes de l’intérêt général, ont joué un rôle considérable pour assurer le maintien et la continuité de l’économie alimentaire locale.
Fin mai, trois associations (France Urbaine, Resolis et Terres en Villes) ont mené une vaste enquête, auprès d’une trentaine de villes et agglomérations, permettant d’analyser les rôles joués par les collectivités locales pendant les deux mois de confinement.
Intitulée « Villes et alimentation en période de pandémie, Expériences françaises », cette étude relate la construction du système agricole et alimentaire français, basée sur la mondialisation et l’agro-industrialisation. Contesté avant la crise sanitaire, ce système est aujourd’hui remis en cause. Les notions de « résilience » et « reterritorialisation » apparaissent comme la nouvelle ambition des territoires. De par leurs compétences, les collectivités locales semblent légitimes pour animer et coordonner ces nouvelles stratégies agricoles et alimentaires.
Partant de ce constat, l’étude adopte ensuite une approche plus pragmatique en énumérant les actions et initiatives mises en œuvre par les collectivités, sur les différents maillons de la filière.
Afin de soutenir la production locale, plusieurs collectivités ont entamé un travail de recensement des besoins des producteurs avec les partenaires agricoles. Ce travail a été valorisé via la création de cartes interactives indiquant les producteurs locaux en vente directe ainsi que les commerces alimentaires de proximité. Logiquement, ce travail est relativement aisé s’il existait déjà un outil similaire avant la crise sanitaire.
Des initiatives ont également émergé pour réorganiser la logistique. Plusieurs collectivités ont été proactives dans la recherche de débouchés. Des plateformes de type « drive » ont vu le jour, parfois sur des équipements communautaires pour faciliter le respect des mesures de distanciation sociales.
La crise sanitaire entraine derrière elle une double crise : économique et sociale, plongeant de nombreuses familles dans la difficulté. L’exemple le plus fragrant est la fermeture des cantines scolaires. Auparavant, les enfants de familles considérées comme « vulnérables » profitaient d’un déjeuner équilibré à tarif réduit. Les collectivités se sont appuyées sur de nombreuses structures (Centre Communal d’Action Sociale, associations caritatives, etc) pour venir en aide aux personnes vulnérables notamment pendant le confinement. Dans certains cas, des actions spécifiques ont été mises en place à destination du personnel soignant et des commerces alimentaires de proximité.
Pour agir sur trois volets (production, distribution et consommation), l’instauration d’une gouvernance (comme c’est le cas dans un Projet Alimentaire Territorial) apparaît comme indispensable. Les résultats de l’étude démontrent que les collectivités qui avaient une gouvernance élargie et instaurée en amont de la crise sanitaire ont réagi plus rapidement que les autres collectivités. Ce résultat semble logique dans la mesure où la mise en place d’une gouvernance requiert un temps conséquent d’identification et d’acculturation avec les partenaires potentiels.
En analysant les différents initiatives et actions entreprises par les collectivités locales, les auteurs de l’étude ont tiré plusieurs enseignements :

  • Les mesures adoptées dans l’urgence doivent être en cohérence avec une nécessaire transition et une recherche de résilience du système alimentaire
  • La solidarité entre les territoires et la synergie entre les acteurs sont des facteurs de réussite incontournables dans la mise en œuvre des actions
  • Deux évolutions majeures ont été mises en avant pendant le confinement ; une évolution technologique avec le rôle capital joué par le numérique ; une évolution alimentaire avec davantage de consommation de produits bio et locaux
  • La nécessité d’un changement collectif pour réussir la transformation du système alimentaire

Les auteurs concluent en citant les trois grandes menaces qui se profilent pour le système agricole et alimentaire :

  • A court-terme, l’apparition de crises économiques et sociales majeures, conséquence directe de la période de confinement
  • A moyen-terme, le caractère annuel des cycles agricoles fait que l’agriculture et l’alimentation sont décalées dans le temps. Dès lors, il est primordial de protéger l’agriculture des conséquences imprévues de la crise.
  • A moyen-terme, le risque d’une crise alimentaire mondiale liée à différents facteurs (accès plus difficile aux intrants, blocage des exportations par certains pays, instabilité des marchés internationaux, …)

Face à ces différentes menaces, les auteurs formulent trois recommandations à destination des collectivités locales :

  • Préserver voire accroître une démarche collective multi-acteurs basée sur l’échange, les retours d’expérience et la coopération
  • Inscrire ce collectif autour d’une démarche agricole et alimentaire (type Projet Alimentaire Territorial) pour projeter le territoire sur le long terme
  • En temps de crise, privilégier des actions qui favorisent le renforcement de la résilience et l’accélération de la transition du système alimentaire

Source : « Villes et Alimentation en période de pandémie, Expériences françaises », mai 2020, Kader Makhlouf, Henri Rouillé d’Orfeuil et Marc Nielsen, France Urbaine, Resolis et Terres en Villes
L’étude est disponible en cliquant ici :  http://franceurbaine.org/publications/villes-et-alimentation-en-periode-de-pandemie-experiences-francaises
 

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