La régie communale agricole, simple utopie ou véritable projet de territoire ?

1er janvier 2022 : c’est la date à laquelle la restauration collective publique devra être approvisionnée par au moins 50 % de produits locaux dont 20 % de produits bio. Cette mesure inscrite dans loi EGALIM afficherait-elle une ambition démesurée ? Dans une étude réalisée en 2017, l’Agence Bio indiquait que la part des produits bio représentait 3 % en valeur au sein de la restauration collective, loin de l’objectif des 20 % annoncé pour 2022.
Les élus locaux justifient ce faible chiffre par différentes raisons : coûts supérieurs pour les produits bio, priorité accordée au local, le manque de fournisseurs de produits bio ou encore les contraintes liées à la rédaction des marchés publics. 
Le critère du manque de fournisseurs se constate particulièrement bien dans les territoires normands. Effectivement, avec seulement 5 % de surfaces certifiées bio au 31 décembre 2018, contre 7,5 % à l’échelle nationale, la Normandie se situe au 10e rang des régions françaises en terme de surfaces certifiées bio (en pourcentage).  Précisons néanmoins que les problématiques sont différentes entre la Manche et la Seine-Maritime et plus généralement entre les ex-territoires bas-normand et haut-normand. Tandis que les premiers flirtent avec la barre des 8 % de surfaces bio, les seconds viennent tout juste d’atteindre les 2 %.
Par ailleurs, de nombreux maraichers ne souhaitent pas travailler avec la restauration collective pour plusieurs raisons : fréquence des livraisons, respects des volumes et des calibrages, calendriers scolaires inadaptés à la production (vacances estivales) ou encore faibles capacités financières des collectivités.
Partant de ces différents constats et avec l’envie de fournir une alimentation locale et de qualité aux citoyens, plusieurs communes ont innové en créant une régie communale agricole, sur le modèle des régies communales concernant l’eau et l’assainissement. 
Mouans-Sartoux est considérée comme la pionnière en matière de régie communale agricole. Avec plus de 9 000 habitants, la municipalité a décidé, dès 2010, de fournir une alimentation bio et locale aux élèves des cantines scolaires. Aujourd’hui, la régie embauche trois agents et permet de produire 25 tonnes de légumes bio par an qui alimentent à 85 % les cantines des trois écoles ainsi que les crèches soit l’équivalent de 1 000 repas servis par jour. Selon Gilles Pérole, adjoint à l’enfance, « ce n’est qu’une affaire de volonté politique ». Il ajoute « on arrive à avoir une cantine 100 % bio sans dépenser plus, on gaspille moins donc on achète moins ».
Plus récemment, la ville de Vannes vient de créer sa régie communale en maraîchage bio. Depuis plusieurs années, la ville a développé une véritable politique concernant la qualité de l’alimentation dans les établissements scolaires. Elle a décidé d’aller encore plus loin en créant une régie communale agricole. Accompagné par le Groupement des Agriculteurs Biologiques du Morbihan (GAB 56), la ville de Vannes a réalisé une étude de faisabilité sur des parcelles inexploitées et elle a embauché un maraîcher qui a intégré le service Espaces Verts de la ville. Avec une surface d’un hectare, la régie aura pour objectif d’approvisionner en fruits et légumes les crèches municipales de la ville soit environ 340 repas par jour. Les deux premières années permettront progressivement de développer le projet qui devrait atteindre la pleine capacité pour 2021.
Firminy, située dans le département de la Loire, vient également de créer sa régie communale agricole. Porté par le service Développement durable, ce projet s’est notamment inspiré de l’exemple de Mouans-Sarthoux. Une parcelle d’un hectare appartenant à la commune mais non-utilisée a été progressivement transformée en atelier de maraîchage par un maraîcher embauché par la commune. La régie permettra d’approvisionner les cantines scolaires ainsi que les EPHAD de Firminy soit près de 1 000 repas par jour.
Au-delà de la production de légumes bio, tous les acteurs sont unanimes pour reconnaître les externalités positives d’une régie communale agricole sur le territoire.
A Mouans-Sarthoux, les enseignants ont développé un programme éducatif autour du « bien-manger ». Les temps d’activité périscolaire sont consacrés à la réalisation de cours de cuisine et les familles reçoivent régulièrement des idées de recettes qui permettent de respecter l’équilibre alimentaire de l’enfant. Résultats ? « Nous avons réalisé deux études qui montrent que 85 % des parents ont modifié leurs habitudes alimentaires à la maison » indique Gille Pérole.
A Vannes, un travail sera également réalisé avec les jeunes enfants sur l’apprentissage du goût et l’éveil des sens. Quant aux surplus, ils seront distribués à l’épicerie solidaire de Vannes. Au-delà, ce projet permettra de fédérer les agents et les élus de la ville autour d’un projet à fortes valeurs environnementale, sociale et économique.
En Normandie, plusieurs communes ont réfléchi sur ce projet. En Seine-Maritime, la commune de Gonfreville l’Orcher avait identifié un terrain, obtenu des financements mais elle n’a pas trouvé le profil recherché. Toujours en Seine-Maritime, Saint-Léger-du-Bourg-Denis a également travaillé sur un projet de régie communale agricole avec une approche plus progressive dans la production. Une vieille prairie a été transformée en jardin sur 300m2. Malgré un espace de production de petite taille, les premières récoltes ont été encourageantes et sont destinées à approvisionner la cantine de l’école.
La régie communale ne saurait venir concurrencer les maraîchers locaux. Elle vient combler une carence du marché. La temporalité et la complexité des projets expliquent sans doute le faible nombre de régie communale agricole. Le contexte actuel semble propice à la multiplication de ce type de projet : loi EGALIM, expression de la société en faveur d’une relocalisation de l’alimentation ou encore nombreux bénéfices pour les territoires.
Longtemps méconnue, souvent ignorée, la régie commune agricole permet aux collectivités de mettre les pieds dans le plat, pour le plus grand bonheur des petits et des grands.
 
Sources :
http://www.unplusbio.org/autonomie-alimentaire-regies-agricoles-se-multiplient-ville/
https://www.ouest-france.fr/bretagne/vannes-56000/la-ville-de-vannes-cree-sa-regie-de-maraichage-et-c-est-bio-6289875
https://www.mairie-vannes.fr/outils-et-services/vannes-actus/actualite/actualite/article/creation-dune-regie-de-mara/
https://reporterre.net/Cantines-bio-ca-marche-et-c-est-moins-cher
https://reporterre.net/La-cantine-bio-de-Mouans-Sartoux-nourrit-bien-eleves-et-paysans
https://www.linfodurable.fr/conso/seulement-3-de-bio-dans-les-cantines-scolaires-ou-dentreprises-selon-lagence-bio-7422
https://www.francebleu.fr/infos/climat-environnement/firminy-des-legumes-bios-seront-produits-par-la-ville-pour-les-cantines-et-les-ephad-a-la-rentree-1562173904
https://cantines.org/firminy-veut-produire-fruits-legumes-de-cantines-scolaires-ehpad/

Partager :